L'éducation artistique du public est une chose, celle des artistes une autre. Cela devrait être leur premier travail. En sa qualité d'art, cette activité doit remettre en question les certitudes et formuler des conclusions. L'enseignement, au sens où on l'entend habituellement, ne peut s'appliquer ici, dans la mesure où il y a peu de choses à enseigner, hormis l'histoire, qui est essentielle. Au lieu de ça, l'éducation artistique tend à devenir quelque chose d'autonome, qui n'est pas de l'art, mais une codification des techniques, une classification, une continuation stylistique. Le professeur et l'étudiant deviennent des universitaires, ou encore sont gênés du fait que celui qui est payé n'a que peu à enseigner et celui qui paye peu à apprendre. Tout pourtant reste à enseigner et à apprendre. Cela fait même partie des urgences. Je suis étonné de l'absence de sentiment d'urgence parmi les groupes qui s'intéressent à l'art. Une "célébrité" m'a dit un jour : "Après quoi courez-vous ? Pourquoi ne prenez-vous pas un peu de recul ? Pourquoi ne jouissez-vous pas de ce que vous avez ?" Si l'on a pas de but, on a aucune raison de se presser. Enseigner c'est à la fois faire voir et tenter d'expliquer, et il y a un fossé entre la cause et l'effet, mais ce doit être un véritable échange d'"idées", d'une difficulté inhabituelle du fait que la plupart des "idées" sont visuelles. Le professeur devrait essayer de comprendre de quelle sorte d'information l'étudiant a besoin, et tenter de la lui fournir, et non lui fournir des informations inutiles.
Donald Judd, Arts Magazine, mars 1973, in Écrits 1963-1990, trad. Annie Perez, Paris, Daniel Lelong éditeur, 1991, p 150.