Il faut aussi que chaque comédien, plutôt que ne tirer à soi que ce qui est à sa mesure, en tant que "ce qui est tout bonnement l'humain", saisisse en particulier ce qui n'est pas à sa mesure, ce qui est spécifique. Et il lui faut mémoriser, en même temps que le texte, les premières de ses réactions, réserves, critiques, surprises, pour qu'il ne leur arrive pas d'être anéanties dans sa composition définitive en se "dissolvant", mais restent au contraire préservées et perceptibles ; car le personnage et le reste doivent moins s'imposer au public par leur caractère d'évidence que lui paraître insolites.
Bertold Brecht, Petit organon pour le théâtre [1963, 1964, 1967], Paris, L'Arche Éditeur, 1963, 1970, 1978, p. 53.