Je parle de Tyrone à l'âge de cinq ans, qui passait ses journées, le temps qu'Oxford s'entretienne avec les clients de la marbrerie, à remuer la terre de la fosse commune, je me souviens également d'Oxford encourageant Tyrone à creuser avec sa pelle, le fournissant en outils, lui déclarant que, s'il continuait de creuser, il finirait par trouver non pas des ossements, cela est naturel dans un cimetière de trouver des ossements, disait Oxford, n'est-ce pas ? Non, pas des crânes, mais des dents en or ou des bracelets, parce qu'ici on a exécuté nombre de familles dans la discrétion la plus absolue et les gens à cette époque dont je parle, disait Oxford à Tyrone, cette époque que tu ne peux pas connaître, mon petit Tyrone, disait Oxford, les gens emmenaient leurs bijoux avec eux quand ils se savaient condamnés, c'est la vie, quand tu sens ta mort qui vient, Tyrone, tu emportes avec toi tes bijoux parce que tu sais que c'est la seule chose qui restera de toi.

Yves Ravey, La concession Pilgrim, Paris, Les Éditions de Minuit, 1999, p. 12-13.