Tronto insistait à juste titre sur la nécessité de penser la pluralité du care (au sens où le care serait assuré par un ensemble de personnes et pas par une seule comme dans le face-à-face mère enfant). On pourrait reprendre son idée en suggérant que le care (care of, take care of) pourrait aussi être étendu à un public large, et également vécu et investi (care about, for) par un tel public. Nous avons pu, suivant en cela Gilligan, insister sur le care comme disposition ou capacité morale, ce qui, comme l'a bien souligné Annette Baier (et c'était en fait l'objet de l'ouvrage collectif Le Souci des autres), modifiait la vision morale en général : la morale se définissant alors par une forme d'attention, et par une description non théorique des diverses formes du concernement pour les autres et du soin des autres : attention à des aspects invisibles de notre vie ordinaire, mais ayant à voir avec l'attention ordinaire à l'autre, le soin que nous en avons. Mais cette modification déplace aussi le partage du public et du privé. En fait, on demande du care pour le care, comme en philosophie morale on demandait de faire attention à l'attention !
Sandra Laugier, Le sujet du care : vulnérabilité et expression ordinaire in Qu'est ce que le care ?, Souci des autres, sensibilité, responsabilité, Pascale Molinier, Sandra Laugier, Patricia Paperman (dir.), Paris, Petite bibliothèque Payot, 2009, p. 188.