"Dans ce cas, très bien…", ai-je murmuré d'un ton rêveur, exhalant un nuage de fumée vers le haut, ce que Juliette Montblah, mon psy, aurait interprété comme un signe positif. J'ai suivi sa lente ascension vers le toit, l'enroulement de ses volutes autour des chaînes qui retenaient un lustre de fer forgé (cinquante kilos de ferrailles tordues, découpées à la cisaille et signées Ralph en guise de cadeau de mariage) au centre de la pièce. Josianne dormait paisiblement juste au-dessous, sur le canapé, enveloppée dans une couverture tirée jusqu'aux épaules, et ni le danger (il y a toujours un danger à dormir sous un machin pareil), ni ma présence, ni l'absolue certitude que le sol allait bientôt trembler et s'ouvrir sous nos fesses ne venaient déranger son sommeil. Bien entendu, par certains côtés, c'était une femme remarquable, je n'avais jamais pensé le contraire.

Philippe Djian, Sainte-Bob [1998], Paris, Folio Gallimard, 2012, p. 39.