— N'aie pas peur de creuser…! m'a-t-il lancé du haut de la falaise.

Je n'avais pas peur de creuser, j'avais peur de me casser la gueule. J'étais suspendu dans le vide, au bout d'une corde, et je devais piocher et bêcher, sans perdre mes outils, sans trop me balancer, sans me soucier du filin qui me cisaillait les cuisses et menaçait de me lâcher — plus exactement, c'était moi qui risquais de lui filer entre les pattes —, sans m'émouvoir du soleil qui me grillait le dos et de la poussière que j'avalais.


Philippe Djian, Lent dehors, Paris, Folio Gallimard, 1991, p. 183.