Le tableau était d'un goût particulier. Des braises rougeoyaient dans la cheminée. Elle trouva de la bûche — glacée — dans le frigo, et du champagne.
Josianne se débrouillait vraiment bien pour la pâtisserie. Très bon.
Elle n'avait pas eu un grand-père pendant très longtemps. Elle s'approcha avec son assiette et s'arrêta devant lui pour voir ce qu'elle ressentait. Elle avait bien compris que le vieil homme l'aimait bien et elle tâchait de lui rendre la pareille, eu égard au fait qu'ils ne se connaissaient que depuis l'été et qu'il n'y avait pas de recette magique.
Mais sa gorge ne se serrait pas devant la dépouille de Victor, son c&oeli;ur ne s'accélérait pas, elle n'avait pas la chair de poule. Il ne fallait pas tricher avec ces choses-là. Elle posa son assiette et sortit son téléphone pour le prendre en photo.
Elle fit un bond en poussant un cri quand une main lui toucha l'épaule.
"David ?… David !… tu m'as fait une des ces peurs !"
Il avait sortit le plat entier. Soit cinquante centimètres d'une bûche à la crème pralinée, d'environ vingt centim&gravetres de diamètre qu'il posa sur la table basse. "Elle est douée, n'est-ce pas ?" fit-il avec un ricanement.
Elle prit place en face de lui et tendit son assiette — de laquelle, à l'instant, elle avait avalé le dernier petit morceau avec un mmm!… enthousiaste. Il lui en coupa une nouvelle tranche. Selon lui, seule une femme qui avait eu des enfants pouvait se distinguer en matière de pâtisserie.

Philippe Djian, Doggy bag, saison 6, Paris, Folio Gallimard, 2008, p. 211.