À bien des égards, la montée s'était révélée éprouvante, tandis que la descente, ce fut carrément l'horreur. Les freins pouvaient lâcher d'une seconde à l'autre, je les entendais peiner très distinctement. J'étais certain que ça fumait là-haut. Avec le frottement, les mâchoires allaient bientôt virer au rouge, si c'était pas déjà fait. La cabine était sûrement trop lourde. J'ai songé un moment à balancer toutes les choses inutiles par la fenêtre et même dévisser les sièges ou arracher les garnitures. D'après mes estimations, la cabine devait peser une tonne. Une fois que les freins auraient lâché, la vitesse de pointe pourrait atteindre 1500 km/h. Juste derrière la ligne d'arrivée, il y avait un gigantesque butoir en béton armé. Résultat, il faudrait des jours et des jours pour reconstituer les corps.
Philippe Djian, 37°2 le matin, Paris, éditions J'ai lu, 1985, p. 283-284.