Aux aurores, les habitants de Mexico s'acheminent d'un pas décidé vers leur église. Les cloches emblématiques de la ville carillonnent à la volée tandis que les fidèles passent le seuil de lieux de culte plus anciens que les États-Unis. Il n'y a pas de bancs ; sur le sol nu, le millionnaire et la dame en costume d'apparat côtoient l'Indien indigent et la Mexicaine à moitié vêtue aux cheveux défaits. Nulle distinction, nulle différence. Là, riches et pauvres font pénitence ou rendent grâce à Dieu à genoux, insensibles au rang et à la condition de leurs voisins. Personne ne tourne la tête pour dévisager l'étranger ou détailler du regard les toilettes des uns et des autres.
Qu'un missionnaire puisse vouloir convertir cette assemblée à une religion où les habits et l'argent sont au centre des préoccupations et achètent le premier rang, où le mendiant est jeté à la rue sous les invectives des plus aisés, cela dépasse l'entendement.

6 mois au Mexique, un reportage de Nellie Bly [1888], trad. Hélène Cohen, Éditions du sous-sol, 2016, p. 32.