Ils vont s'éloigner mais Marianne se retourne une dernière fois vers le lit et ce qui la fige sur place est la solitude qui émane de Simon, désormais aussi seul qu'un objet, comme s'il s'était délesté de sa part humaine, comme s'il n'était plus relié à une communauté, inséré dans un réseau d'intentions et d'émotions mais errait, métamorphosé en une chose absolue, Simon est mort, elle se prononce ces mots pour la première fois, épouvantée soudain, cherche Sean qu'elle ne voit pas, se précipite dans le couloir, le découvre prostré accroupi contre le mur, lui aussi irradié par la solitude de Simon, lui aussi certain de sa mort à présent. Elle s'accroupit devant lui, cherche à soulever sa tête en plaçant ses mains en coupe sous sa mâchoire, viens, viens, partons d'ici — ce qu'elle voudrait lui dire c'est : c'est fini, viens, Simon n'existe plus.
Maylis de Kerangal, Réparer les vivants, Paris, Verticales Gallimard, 2012, p. 166-167.