Désormais, son travail est incapable de contribuer à son épanouissement en tant qu'être humain. Bien au contraire, il compromet ce qu'il y a de meilleur en lui, et il devient impératif pour notre homme d'isoler son activité professionnelle du reste de son existence. C'est ainsi que, pendant ses vacances, il part escalader l'Everest pour renouveler ses forces vitales. L'année suivante, il fera de l'écotourisme dans la jungle amazonienne. Ce n'est que dans le ghetto protégé de sa deuxième vie qu'il pourra de nouveau habiter un ordre moral intelligible, où le sentiment de l'action communient encore, fût-ce seulement pour une ou deux courtes semaines.

Matthew B. Crawford, Éloge du carburateur, Essai sur le sens et la valeur du travail [2009], trad. Marc Saint-Ypéry, Paris, éditions de la Découverte, Poche, 2016, p. 222.