Un cartel dit en ce sens beaucoup de choses sur les œuvres, sur les artistes, mais aussi sur la manière dont se conjuguent les facteurs d'élection qui justifient leur présence dans des espaces d'exposition et attestent de la reconnaissance qui les recommande à l'attention[1]. Le plus souvent, à côté des informations qui concernent la facture de la pièce exposée et, le cas échéant, le pédigrée de l'artiste — lequel n'est évidemment pas indifférent —, ce sont des indications relatives à l'"esprit" qui a commandé sa production. De manière générale, le discours réinscrit la pièce dans une intention[2]. C'est très souvent celle-ci qui apporte la garantie de la "contemporanéité", comme le suggèrent aisément les lignes consacrées à l'installation précédemment mentionnée. La dimension réflexive, critique ou méta-artistique en est un élément décisif, cette dimension pouvant s'exercer à l'endroit des arts, du musée, de la perception esthétique ou de la société. Dans tous ces cas-là, la marque du "contemporain" ne laisse pas d'être paradoxale ; elle s'exprime dans des circonstances et en des lieux réservés, en même temps qu'elle se recommande généralement de contextes et de significations qui les débordent, ce qui est tout particulièrement le cas lorsque le sens et l'inscription se veulent sociaux et politiques.

Jean-Pierre Cometti, La nouvelle aura, Économies de l'art et de la culture, Paris, Questions théoriques, collection Saggio Casino, 2016, p. 57-58.

[1] Après tout, je peux parfaitement imaginer un visiteur naïf ou étourdi qui prêterait attention aux cinq toiles hyper-réalistes installées par Xavier Veilhan, sans se préoccuper de la manière dont elles se conjuguent et dont elles sont disposées. Ou alors, il s'en étonnerait et trouverait ce dispositif étrange, voire inutile.
[2] L'intention, au sens le plus éculé du terme — si l'on pense aux tourbillons critiques dont elle a pourtant dû faire preuve —, reste pourtant, semble-t-il, la référence majeure des cartels.