Celle-ci, considérée comme un acte artistique, se caractérise en ce qu'elle n'est pas subordonnée à la mobilisation d'objets artistiques préalables, bien que ce puisse être aussi le cas[1]. Elle communique avec la performance — qui en constitue une dimension d'importance variable — et avec d'autres modes d'intervention artistique comme le land-art, dans la mesure où elle n'est pas limitée aux espaces internes ou institutionnels. Comme nous l'avons vu, ses sources sont liées à la fois à Duchamp, à Dada et au surréalisme, et plus globalement aux avant-gardes[2], c'est-à-dire à des pratiques destinées à ébranler l'emprise de l'institution, et donc le régime de l'exposition. Certes, les avant-gardes ont conçue et organisé des expositions, mais comme le montre l'exemple quasi paradigmatique de l'Exposition internationale surréaliste de 1938, celles-ci ne se contentaient pas de rompre avec le concept de l'œuvre incorporé à la matrice de l'exposition ; elles prenaient la signification d'une performance ou plus exactement d'une "manifestation" et la présence d'objets de destination non artistique, quoique détournée pour la circonstance, marque assez bien ce qui distingue une installation d'une exposition. Dans un cas, l'art est "dans la boîte", dans l'autre il est dans sa fabrication[3].
Jean-Pierre Cometti, La nouvelle aura, Économies de l'art et de la culture, Paris, Questions théoriques, collection Saggio Casino, 2016, p. 205.
[1] Voir Claire Bisop, Installation Art, Tate Publishing, 2005.
[2] Parmi les expositions réalisées par les avant-gardes, citons la reconstitution de l'exposition constructiviste de la Société des jeunes artistes russes (Obmokhu) initialement organisée en 1921 (et considérée comme la première exposition constructiviste réunissant les œuvres de Rodtchenko, Iogansson, Medunetzky, ainsi que Vladimir et Gorgii Stenberg).
[3] Par référence à Brillo Box. Voir l'intéressant texte de Richard Shusterman à ce propos, et par rapport à l'analyse que Danto en a proposée : "L'art en boîte" dans La Fin de l'expérience esthétique, trad. fr. F. Gaspari, PUP, 1999.