Demandeur d'emploi, ai-je indiqué. Or ne souhaitant pas m'éterniser ni me complaire dans cette catégorie, j'ai décidé de monter mon entreprise et, avant même de définir précisément les objectifs de celle-ci, j'ai d'abord pris mon temps pour lui trouver une désignation commerciale. Cela m'a bien occupé de dresser quelques listes avant d'aboutir à l'intitulé parfait : Cabinet Fulmard Assistance.
Cette appellation m'a semblé seyante. N'étant spécialisé en rien hormis le service de plateaux-repas en altitude, j'ai tout intérêt à me présenter sous le jour le plus généraliste possible : ceci peut occulter cela. À cet égard, le terme d'assistance ratisse fort large et ne mange nul pain. De l'expertise comptable à la plomberie en passant par le développement personnel, domaines où je ne me risquerai point, les assistances abondent : voilà le terme idéal dont la polysémie autorise tout. Quelques-uns de mes trois sous mis de côté, je les ai claqués dans ce qu'on doit faire, m'a-t-il semblé, en pareil cas : poser une plaque sur ma porte et faire savoir, par voie d'annonce, mon arrivée sur le marché.
La plaque, j'en ferais vite mon affaire. L'annonce, je l'ai passée à moindres frais dans un de ces gratuits qu'au sortir du métro des pauvres distribuent aux pauvres. Ces deux piliers posés, je n'aurai plus qu'à attendre. Déterminé, ouvert à toutes propositions, j'attends avec sérénité : de Fulmard Gérard vous aurez des nouvelles, du cabinet Fulmard vous entendrez causer.

Jean Echenoz, Vie de Gérard Fulmard, Paris, Les Éditions de Minuit, 2020, p. 17-18.