Au-delà de l'entassement, qui est la forme la plus rudimentaire, mais la plus prégnante, de l'abondance, les objets s'organisent en panoplie, ou en collection. Presque tous les magasins d'habillement, d'électro-ménager, etc., offrent une gamme d'objets différenciés, qui s'appellent, se répondent et se déclinent les uns les autres. La vitrine de l'antiquaire est le modèle aristocrate, luxueux, de ces ensembles qui n'évoquent plus tellement une surabondance de substance qu'un éventail d'objets sélectionnés et complémentaires, livrés au choix, mais aussi à la réaction psychologique en chaîne du consommateur, qui les parcourt, les inventorie, les saisit comme catégorie totale. Peu d'objets sont aujourd'hui offerts seuls, sans un contexte d'objets qui les parlent. Et la relation du consommateur à l'objet en est changée : il ne se réfère plus à tel objet dans son unité spécifique, mais à un ensemble d'objets dans sa signification totale.
Jean Baudrillard, La société de consommation, Paris, Denoël, 1970, p. 20.