L'animisme — l'ombre envisagée comme l'"âme des choses[1]" — est un anthropomorphisme. Mais c'est un anthropomorphisme de la disparition. Lorsque nous vivons, nos ombres ne cessent pas de se mouvoir et, surtout, de s'échapper, de disparaître, on ne sait. Notre propre disparition rendrait-elle à l'ombre sa permanence, sa compacité, son pouvoir physique de survivance (Hiroshima, encore) ? "Des corps qui meurent et des ombres qui survivent au corps", voilà d'abord ce qui intéresse Parmiggiani dans l'image à trouver[2]. Il s'agit ensuite de faire œuvre de cela : de tisser dans l'ombre des "icônes d'absence[3]".
Georges Didi-Huberman, Génie du non-lieu, Air, poussière, empreinte, hantise, Paris, Les éditions de minuit, 2001, p. 105-106.
[1] C. Parmiggiani, Stella Sangue Spirito, éd. S. Crispo, trad. française en regard M.-L. Lentengre, E. Bozzini et A. Serra, Parme, Nuova Pratiche, 1995, p. 12-13.
[2] C. Parmiggiani, Dessins - Disegni, Marseille, CipM-Spectres familiers, 1995, non paginé.
[3] C. Parmiggiani, Ferro Mercurio Oro, Milan, Mazzotta, 1998, p. 11.