Ce qui définit les dispositifs auxquels nous avons à faire dans la phase actuelle du capitalisme est qu'ils n'agissent plus par la production d'un sujet, mais bien par des processus que nous pouvons appeler des processus de désubjectivation. Un moment de désubjectivation était bien enveloppé dans tout processus de subjectivation et le Moi de la pénitence, ne se constituait effectivement, comme nous l'avons vu, qu'en se niant ; mais aujourd'hui, processus de subjectivation et de désubjectivation semblent devenir réciproquement indifférents en ne donnent plus lieu à la recomposition d'un nouveau sujet, sinon sous forme larvée, et pour ainsi dire, spectrale. Dans la non-vérité du sujet, il n'y va plus, en aucune manière, de sa vérité. Qui se laisse prendre dans le dispositif du "téléphone portable", et quelle que soit l'intensité du désir qui l'y a poussé, n'acquiert pas une nouvelle subjectivité, mais seulement un numéro au moyen duquel il pourra, éventuellement, être contrôlé ; le spectateur qui passe sa soirée devant la télévision ne reçoit en échange de sa subjectivation que le masque frustrant du zappeur, ou son inclusion dans un indice d'audience.
Giorgio Agamben, Qu'est-ce qu'un dispositif ? [2006], trad. Martin Rueff, Rivages poche Petite Bibliothèque, 2007, p. 43-45.