Les mauvaises installations des œuvres, la façon dont on les manipule, la grossièreté avec laquelle on traite et on exploite les artistes ne vient pas seulement de l'ignorance. Il y a une intention là-dessous. Je pense que cela vient en partie du ressentiment qui naît chez certains face à l'exigence et à l'indépendance, en partie du paternalisme que ressent même celui que cela intéresse le moins — et en partie, particulièrement en ce qui concerne les collectionneurs, d'un désir de pouvoir. Ceux-là veulent prouver leur supériorité sur les artistes en malmenant les œuvres qu'ils possèdent, y compris en louant les services de plumitifs pour réécrire l'histoire. Ce pouvoir imaginaire sur les artistes prend la forme d'un pouvoir réel sur les conservateurs et sur le milieu du collectionneur. Pour utiliser une fois encore le mot "perversité", je crois qu'il est pervers d'utiliser l'art, l'une des activités les plus innocentes au monde, comme tremplin vers le pouvoir. Le texte de Biderstreit relève de la falsification, de l'opportunisme, il est coercitif, plein de ressentiment, mesquin (mean). "Puisse la vie de l'artiste être pleines de déboires, brutale et brève". (Le mot américain) mean est un bon mot, plutôt anodin, qui renvoie à une certaine méchanceté, à la vengeance, mais qui signifie aussi misérable, minable, mesquin. Je crois que les meilleures œuvres sont généreuses.
Donald Judd, Ausstellungsleitungstreit, 1989, in Écrits 1963-1990, trad. Annie Perez, Paris, Daniel Lelong éditeur, 1991, p. 232-233.