De même le détective recherche les menus indices qui lui permettent de comprendre les circonstances du crime, le préhistorien s'intéresse aux "vestiges fugaces" relevés au cours de la fouille, cendres, détritus, esquilles, débris de taille, à partir desquels il sera possible de se livrer à une analyse fine de l'ensemble qui seule permettra de "reconstituer la vie"[1].

L'opération de la fouille, indissociablement activité pratique et démarche théorique, est pensée sur le double modèle d'une "opération au sens chirurgical du terme" et du déchiffrement d'un texte. Elle est un premier lieu une véritable "dissection du sol", dont l'outillage est "à l'échelle de ce quéon opère ou de ce quéon veut voir", et peut s'étendre du bulldozer à l'aiguille fine, au grattoir et au pinceau. Cette dissection, pratiquée "à plat", a pour but la mise au jour des sols originaux, et vise à retrouver, "dans tous leurs mouvements éventuels, les surfaces pelliculaires sur lesquelles les Hommes ont marché" : l'apport fondamental de Leroi-Gourhan aux techniques de la fouille est d'avoir ajouté, à la stratigraphie verticale pratiquée depuis le XIXe siècle par les géologues et fondée sur la mise en évidence des couches de terrain par des coupes, une vision horizontale, par "plans topographiques", indispensable pour la compréhension des sites fouillés.

Claudine Cohen, La méthode de Zadig, La trace, le fossile, la preuve, Paris, éditions du Seuil, 2011, p. 244.

[1] Voir A. Leroi-Gourhan, Le Fil du temps, Ethnologie et préhistoire, Paris, Fayard, 1983, p. 234-235.