Il fallait, en premier lieu, abolir le fétichisme du bel objet, du fossile spectaculaire : l(important, pour l'ethnologue du passé, n'est pas de collectionner les pièces de musée, ni d'aligner des silex en rangs d'oignons, mais de se donner les moyens de reconstituer — et de comprendre — l'ensemble auquel appartient l'objet découvert. Un crâne humain, une magnifique "feuille de laurier" en silex, un objet d'ivoire sculpté, ne sont rien si on ne peut précisément reconstituer le site où ils ont été trouvés, où, jadis, ils ont eu un sens — seul lieu où ils pourront, pour nous, le retrouver.

Claudine Cohen, La méthode de Zadig, La trace, le fossile, la preuve, Paris, éditions du Seuil, 2011, p. 240-241.