La mécanique de mes jambes se met en route sans effort. J'ai "la socquette légère", j'ai la sensation d'une machine bien rodée, harmonieuse c'est peut-être présomptueux, mais c'est le sentiment que j'en ai, efficace en tout cas, j'ai sûrement perdu un ou deux kilos depuis le départ, je le sens aux bretelles du cuissard qui ne me serrent plus les épaules. Plus j'avance, plus devient manifeste la relation entre ce que je sens de mon corps et ce qu'il perçoit du monde, comme si ce matin la route me dispensait un cours de phénoménologie.

Bernard Chambaz, Dernières nouvelles du martin-pêcheur [2014], Paris, J'ai lu, 2015, p. 171