Aujourd'hui, alors que Laura Lamiel a multiplié les expériences de monstration, aussi bien dans les galeries que dans les lieux institutionnels, son exigence d'ajustement des œuvres à l'espace d'accueil prolonge d'une certaine façon les réflexions conduites en solitaire dans l'atelier. En s'employant avec une extrême économie de moyens à trouver une résonance intime entre les pièces produites et l'espace physique des salles ou du bâtiment, elle confirme que le registre dans lequel se situe son travail peut présenter dans ses occurrences différents types de réglage, susceptibles de placer le spectateur non pas dans une œuvre considérée comme une entité autonome, mais dans un espace, l'espace des projections de la pensée où tout phénomène visuel devient signe indiciel. Ce qui caractérise les scènographies qu'elle imagine, ce sont leurs multiples énonciations et leurs éventuelles différences, aussi longtemps, pas plus, que la situation l'exige. Mettre le sens en situation, tel est le principe qui régit ses interventions. Maintenu tout au long, ce principe nous confronte, aujourd'hui, à une œuvre qui fait intervenir des paramètres de l'expĂ©rience vécue au même niveau que la logique formelle qui conditionne les panneaux et les volumes en acier émaillé. Les possibilités que l'artiste a de recomposer, de réunir ou de dissocier aussi bien ce qui vient de l'espace urbain que ce qui fait jouer sur la scène artistique des éléments gouvernés par l'esprit de la géométrie, suggèrent que l'œuvre se fonde sur un ailleurs, sur un avant.
Anne Tronche, Laura Lamiel, La pensée du chat, Paris, éditions Actes sud / Crestet centre d'art, 2001, p. 23-24.