En 1919, il est engagé pour créer cette école d'un genre nouveau et mettre en œuvre un creuset social, économique et artistique exemplaire de son temps : "Un projet d'un établissement d'enseignement, conseiller artistique de l'industrie, des métiers d'art et de l'artisanat[1]." Gropius estime nécessaire de privilégier cette unité entre l'art et l'industrie dès l'enseignement artistique. Pour lui, il est désormais invraisemblable de vouloir échapper à une production standardisée. Son projet d'avenir ne peut s'envisager que dans ces conditions : en demandant aux artistes modernes de délaisser la réalisation d'objets rares, uniques et coûteux réservés à une clientèle dotée, et en se consacrant à la production d'articles d'usage courant mis à la portée de tous et adaptés aux récentes modifications induites par l'industrialisation, sans pour autant perdre en qualité. Toutefois, ce projet n'est pas chose facile à appliquer, car dès son entrée en fonction, en faisant fusionner l'École des arts appliqués avec la Grossherzolige Hochschule fûr Bildende Kunst, ou Académie des beaux-arts, pour fonder Staatdliche Bauhaus Weimar, il accueille les nombreux peintres de chevalet dont il souhaite se défaire et qui, eux, ne souhaitent entretenir aucun commerce avec l'art industriel. Gropius doit donc agir prudemment pour instiller des idées qui ne peuvent être, vu les circonstances, que fort mal acceptées.


Alexandra Midal, Design, introduction à l'histoire d'une discipline, 2009, Paris, Pocket Univers Poche, p. 87-88.

[1] Walter Gropius, "Lettre à Henry van de Velde", Bibliothèque royale Albert 1er, Bruxelles, Fonds van de Velde, cité dans Jacques Aron, Anthologie du Bauhaus, Didier Devillez, Paris, 1995, p. 44.