— La série des vases en métal d'Amnesia a été réalisée avec une technique extrêmement sophistiquée de tournage du métal. Les sortes d'ailettes ou de stries effacent ces vases — ils ont une présence, et effectivement ils ont une absence. Ils donnent l'impression qu'ils pourraient être sur le point de s'effacer et que jamais ils ne s'effaceront. Est-ce ce type de vibration, absence ou présence, que vous vouliez souligner ?
— Oui, je voulais dire peut-être deux choses : exprimer la vibration possible de ce matériau pourtant rigide ; mais aussi parler de la transparence du métal, c'est-à-dire chercher à voir à travers ; travailler donc sur les bords, sur les profils du vase, créer un skyline mouvant. Ce type de vibration est passage entre ce qui est le vase et ce qui n'est pas le vase…
— On pourrait donc le définir comme un travail sur la zone… Comme l'essai de matérialiser la zone d'échange… floue, ou qui devient floue. Où, pour vous, les choses se passent-elles ? La technique joue-t-elle un rôle dans ces cas ? Comment décidez-vous conceptuellement de l'utiliser ?
— Je cherche toujours à avoir une forte inspiration par rapport aux processus technologiques, mais en trouvant une motivation dans mon travail et non dans la technologie, sauf si la technique me donne une possibilité expressive sans laquelle je ne peux pas faire… Par exemple, pour la série Wireless, j'étais très intéressé par cette technologie permettant de faire des lampes sans fil[1], à cause de mon intérêt pour l'animisme, c'est-à-dire quelque chose ayant une énergie interne, ce qui n'est pas si différent des Animal Domestici finalement… mais l'un est fait avec des technologies absolument primitives, l'autre avec une technologie très avancée.
— Vous liez matériaux et techniques ?
— Oui. Mon intérêt pour la technologie consiste à l'employer pour faire ce que je veux. Je cherche donc, mais c'est très difficile en général, à trouver des techniques qui ouvrent complètement les possibilités. Or, on voit dans l'histoire de la technologie qu'il y a aujourd'hui beaucoup de techniques à disposition qui n'entrent pas dans la société parce qu'on n'en a pas trouvé la motivation fonctionnelle. De même sur le plan des matériaux. Je m'explique : si on ne trouve pas d'interprétation expressive à des matériaux nouveaux, ils restent très souvent parmi les matériaux techniques, ceux qu'on ne voit pas. Pour entrer dans la société et être accepté, il faut trouver quelqu'un, et c'est le rôle du designer, pour prendre en charge le nouveau matériau et lui donner un sens expressif, poétique, utilisable, esthétique aussi, par ce que la société contemporaine n'accepte plus les produits qui n'ont pas de qualité expressive et esthétique. C'est bien le grand problème de l'industrie aujourd'hui. Il n'est pas suffisant de faire des objets qui marchent bien, parce que tout le monde aujourd'hui fait de bons produits… La guerre est une guerre esthétique.
Transmission#1 Andrea Branzi, entretien avec Catherine Geel, Paris / Saint-Étienne, co-éditions La Cité du Design / Les éditions de l'Amateur / France Culture, 2006, p. 64-66.
[1] autogène sans fil